Guérir en thérapie : une question au féminin ?

La lutte entre le masculin et le féminin fait souvent l’objet de guerres sociales, familiales ou de couple. Mais ce combat est aussi celui du sujet lui-même. Il sévit en chacun, homme ou femme.

La psychanalyse, dans ses controverses, a placé la question du masculin et du féminin, – à ne pas confondre avec celle de l’homme et de la femme -, au cœur de ses travaux.

Le crime originel du père de la horde primitive de Totem et tabou (les fils tuent leur père qui se réservait toutes les femmes de la tribu – Freud -) inaugure le premier interdit que transgressa Oedipe avant  de se compromettre dans sa relation incestueuse avec sa mère.

Ainsi, le meurtre du père de la horde marque le point de départ d’une organisation sociale possible articulée autour de deux interdits : celui de tuer et celui de l’inceste. Et c’est autour de la figure totémique masculine que s’organise la loi, en premier lieu, celle de l’interdit de l’inceste, par le moyen de la menace de la castration – la privation de l’organe pénien – proférée par le père à l’encontre de son fils et de son désir sexuel pour sa mère. A cette étape, il n’est pas fait de distinction entre le père symbolique et la figure sexuée de la masculinité.

De même, il y a similitude entre le phallus et le pénis. Lorsque le petit garçon, après avoir observé le sexe féminin, est envahi par la peur de la castration, il s’agit bien, pour Freud, de la crainte de perdre son pénis. De son côté, la petite fille maudit sa mère de l’avoir faite à son image : castrée  – ou avec un organe de petite taille, le clitoris -.

Mais si la différence anatomique existe pour Freud,   « elle est pensée dans le contexte unificateur d’un monisme sexuel », c’est à dire la «  thèse de la libido unique, d’essence phallique (ou mâle) ». En d’autres terme, l’homme aurait le phallus et non la femme.  (E. Roudinesco)

Avoir ou ne pas avoir le phallus serait la question centrale de l’économie freudienne. Se dessine avec force un combat incessant, tout à la fois social et intime, qui chez les hommes consiste à garder le phallus, et chez la femme à le conquérir.

Face à ce constat, Freud, dans son article de 1931, Sexualité féminine,  dit que la femme admet  « le fait de sa castration mais elle se révolte aussi contre cet état de chose désagréable ».

Selon Freud, il y aurait d’un coté l’homme en possession du phallus, jaloux de cette prérogative, et ne vouant à aucun prix s’en voir déposséder ; de l’autre la femme en quête effrénée de l’objet convoité.

Mais être ou ne pas être pourvu du pénis, est-ce bien là la question ?

Lacan ouvre une perspective nouvelle en donnant au concept  de phallus la signification de puissance vitale. Le phallus n’est plus le monopole d’un sexe. Lacan délivrera le champs analytique du caractère organique pour donner peu à peu la pleine mesure au symbole. Avoir ou ne pas avoir le phallus/pénis deviendra être ou ne pas être le phallus, c’est à dire être ou ne pas doté de la puissance vitale.

 Mais si le phallus n’est plus l’organe, est-il pour autant privé des « attributs » du masculin ? Et qu’advient-il du masculin et du féminin dans cette avancée conceptuelle ?

Si le phallus est la puissance vitale, sa représentation dans l’imaginaire collectif est bien du coté de la force. Avant même de rompre le nouage entre le sexe et le masculin ou le féminin, l’identification de la puissance était indissociable de l’idée d’homme ; et son contraire, la faiblesse, celle de la femme. Ainsi, les hommes seraient pourvus de la puissance vitale et ne voudraient à aucun prix en être dépossédés, et la femme, si elle n’en fait pas son deuil, n’aurait de cesse de conquérir ce qui, dès l’abord, lui aurait été refusé. Un combat sans fin en résulterait.

Les gender studies, dans la foulée même de la révolution lacanienne, peut-être sans le savoir, ont contribué à  dissocier l’identification du masculin et du féminin du sexe anatomique. Les schémas traditionnels ont pu dès lors bouger et laisser entrevoir une troisième voie : celle d’une oscillation constante, en chaque être, entre féminité et masculinité, ouvrant la perspective existentialiste d’un devenir choisi et non subi.

« On ne nait pas femme on le devient » de Simone de Beauvoir signe l’apogée d’un renversement : la puissance même du devenir est communément partagée, tout  sexe confondu, et le sujet n’est plus prisonnier de son anatomie comme d’un déterminisme. Dans cette perspective, le phallus serait la puissance du devenir, choix fondamental de l’être, par delà toute considération de sexe.

Or, dans la représentation collective, la puissance demeure l’attribut du masculin. Avoir la puissance, pour l’homme comme pour la femme, reviendrait à renier sa féminité. Une guerre au féminin serait déclarée. La position passive à l’école, dans le couple, au travail, serait remisée au profit d’une conquête incessante de puissance, non au sens vital, mais viril. Etre élève, mère ou père au foyer, subordonné, inscrirait le sujet dans un renoncement  face au maître, au conjoint ou au dirigeant. La lutte en soi et au cœur du social deviendrait rude et sans fin.

Et pourtant, s’accepter comme  élève conditionne la transmission et l’apprentissage ;  céder à la concession offrent les gages d’une vie à deux ; travailler sous une autorité est  une règle commune à toutes les organisations humaines ; et vivre en société dans le respect de la loi, sous l’autorité d’un Père, est un principe fondateur de la communauté.

Ainsi, la position passive est constitutive de soi, et de soi avec les autres. Elle inscrit l’être dans un devenir étayé par ce qui forge une composante essentielle du sujet : l’altérité. Elle est la position de l’amour possible, et en cela, elle est au féminin.

Comme l’énonçaient Freud et Férenczi dès leurs premiers travaux, guérir  en thérapie, c’est  accepter sa part de féminité, que l’on soit homme ou femme. Ce qui ne signifie pas le reniement de sa puissance vitale.  Au contraire. C’est faire que le masculin et le féminin puissent cohabiter, sans se renier.

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