Conférence La peur 8 et 12 décembre 2018 Séminaires psychanalytiques de Paris

LA PEUR

SÉMINAIRES PSYCHANALYTIQUES DE PARIS

8 ET 12 DÉCEMBRE 2018

 

 

 

La peur est une émotion. En tant que tel, son étude serait plutôt l’affaire des psychologues et non des psychanalystes. En témoigne le peu d’intérêt que Freud et Lacan y ont porté. À l’inverse,la pulsion, le désir, le signifiant, le fantasme … et l’angoisse ont occupé une place de choix dans leurs travaux psychanalytiques.

 

L’affect est une affaire de psychologue,disait Lacan, comme l’émotion, l’ego psychologie, la conscience, le sens, aurait-il pu ajouter.

 

Pourtant, le thèmequi nous réunit aujourd’huise situe à une frontière : celle de l’angoisse et de l’effroi, et à c’est à partir de ces deux affects, car ils en sont, que nous avancerons, en creux d’abord, puis de manière frontale ensuite, sur notre question.

 

L’articulation de ce trio: peur, angoisse, effroi, sera le fil conducteurde notre travail. Ainsi verrons nous l’étroite  combinaisonde ces affects, distincts, et pourtant si proches, qui constituent un mode d’état, de relation du sujetavec le monde extérieuret sa vie psychique. À ce trio sonne un absent, le traumatisme.

 

Nous en verrons les composantes  et tenterons de comprendre comment la peur et l’angoisse, à leur manière, en préservent le sujet.

 

Pour commencer, nous partirons de la pulsionet de ces manifestations, l’affect et la représentation, afin d’identifier, en examinant ses particularités, ce qu’est une émotion.

 

Nous examinerons la frontière ténue entre une peur conservatrice et une peur névrotique. Et si l’angoissen’était jamais très loinde ce qui apparaît comme un danger extérieuret objectif ?

 

On a l’usage de distinguer la peurde l’angoisseen attribuant un objetà la première et le vide, l’absence, le rien, à la seconde. D’un côté, il y aurait un danger aux contours visibles et clairs, et de l’autre le flou et l’indéfinissable.

Cependant,quelle  peurest strictement adéquate à un  dangerexterne et objectif – s’il en est – ? N’y a t’il pas toujours l’ombre d’un autre objetplanant sur le réel, une sorte de résonance sourde venue d’ailleurs ?

La peur n’est elle que la réponse à une menace extérieure ?

 

Nous irons voir ce qu’il en est de l’approche freudienne de l’angoisse. Pour cela,  nous verrons ce qui distingue la première théoriefreudienne de la seconde,où la dialectiqueentre l’interne et l’externese fait jour et marque la délimitation complexe de ce qui est attribuable au dehors et au dedans du sujet dans le déclenchement du processus.

 

Si la peursemble avoir une fonction, celle de se préserver d’un danger, peut-on en dire de même de l’angoisse? Envahissante, étouffante, destructrice, ainsi apparaît-elle souvent et constitue un motif fréquent de consultation.

 

Lapeurserait  du côté  de la fonction conservatrice tandis que  l’angoisseserait névrotique. Mais supposer une peur pure, dénouée de toute angoisse, n’est ce pas confondre le règne animalavec celui des humains ?

 

Laphobie, paradigme de la peur, nous aideraà y voir plus clair sur ces questions. Et si l’objet phobique est bien défini, n’en cache t il pas un autre dont les contours ressemblent à s’y tromper aux formes indéfinissables de l’angoisse ?

 

Pour finir, nous discuterons de la question de l’objet. Pierre Janet distinguait l’angoisse de la peur en disant que « L’angoisse est une peur sans objet ».

Freud et Lacan s’allieront sur le point de vu contraire, marquant ainsi l’ambivalence grandissante entre la peur et l’angoisse, l’une et l’autre entremêlées au point de ne plus vraiment se distinguer.

 

 

 

 

I/ AFFECT ET ÉMOTION

 

1/ UNE AFFAIRE DE PSYCHOLOGUE

 

L’émotion ne parait  pas être l’affaire des analystes. Il en est de même de l’affect.

 

Ainsi Lacan annonce t-il  sa couleur dans le Séminaire sur l’Angoisse : « Je n’ai pas pris la voie dogmatique de faire précéder d’une théorie générale des affectsce que j’ai à vous dire de l’angoisse. Parce que nous ne sommes pas des psychologues, nous sommes des psychanalystes. »

 

Même remarqueaurait-il sans doute fait à propos de l’émotion. Il y a chez Lacan  comme une façon de dire, l’affect n’est pas une affaire sérieuse, du moins, elle ne concerne  pas la psychanalyse.

 

Cette distance est partagée avec Freud lorsqu’il écrit que la crainte ne l’intéresse  que « pour poser un certain nombre de distinctions, mais tout se joue avant tout du côté de l’angst [de l’angoisse]. »

 

 

Pourquoil’affectserait-il une affaire de psychologueplutôt que de psychanalyste ? Et qu’en est-il de l’émotion? Une affaire de cognitivisteou de médecine douce?

 

Pour autant, l’affectet l’émotionsont partie intégrante d’un processus dont le point de départ est la pulsion.

 

 

2/ PULSION ET AFFECT

 

Voyons ce qu’il en est de la pulsion et de l’affect pour, dans un second temps, aller voir du côté de cette couleur particulière qu’il revêt et que l’on appelle émotion.

 

Le dictionnaire Laroussedéfinit l’affect comme un « processus de décharge de l’énergie pulsionnelle qui constitue l’une des deux manifestations fondamentales de la pulsion, l’autre étant la représentation ».

 

C’est bien là une définition freudiennequi met en jeu la pulsion et ses deux manifestations: l’affectet la représentation. Ainsi distingués, ces deux pôles d’expression de la pulsion paraissent d’ores et déjà comme pouvant se connecter ou se disjoindre. Se pose alors le point de ce qu’il advient d’un affect déconnecté de la représentation, question centrale de notre sujet et de l’outillage nécessaire à différencier la peur de l’angoisse, ou de l’effroi, ce que nous ferons plus loin.

 

Dans son deuxième cycle de conférence, S. Freud parle ainsi de la pulsion : « Une pulsion se distingue donc d’une stimulation en ce qu’elle provient de sources de stimulation à l’intérieur du corps, qu’elle agit comme une force constante et que l’individu ne peut pas se soustraire à elle par la fuite, comme c’est possible pour la stimulation extérieure. Dans la pulsion, on peut distinguer la source, l’objet et le but. La source est un état d’excitation dans le corporel, le but, l’abolition de cette excitation ; sur le trajet de la source au but, la pulsion devient psychiquement active [la pulsion est un concept frontière entre corps et psyché]. Nous la représentons comme un certain quantum d’énergie, qui pousse vers une direction déterminée. »

 

L’affectserait un processus de déchargede l’énergie pulsionnelle.

 

Ainsi la pulsiondeviendrait sensible – perceptible- au moment de sa décharge, c’est à dire de sa manifestation, par l’affectet/ou la représentation. Mais l’affectest-il parfois sans représentation ?N’a-t-il pas toujours une teinte singulière qui le distinguerait d’une énergie purecomme le courant électrique par exemple ?

En effet, quand on parle d’affect, l’on dénomme bien une énergie entre corps et psyché, c’est à dire entre non représenté et représenté.

Pourtant, la représentation et l’affectsont bien distinguésdans le propos freudien, et cela constitue l’un des fondementsde la théorie psychanalytique.

 

La pulsionest donc une poussée constantedont l’origine est le corps. Elle est une énergie qui n’a de cesse de poussermais ne trouve pas nécessairement d’issuepour se décharger. Cela pousse mais ne se libère pas, ne se décharge pas toujours, même si, selon S. Freud, la poussée a pour but de se satisfaire par le moyen d’un objet. La satisfactionserait donc la décharge, et l’objet, le moyen d’y parvenir.  Concept frontière entre corps et psyché, la pulsion n’est pas une énergie pure au sens de corps brut. Elle est un trait d’unionentre le corps et la vie psychique.

 

Le moment de l’affectserait celui du processus de décharge. Ainsi y aurait-il satisfaction de la pulsion au moment de l’affect, au moment de la libération de cette énergie qui pousse sans discontinuer.

 

  1. Freudparle de l’affect comme d’un éprouvé, tout en ajoutant qu’un affect, l’on ne sait pas ce que c’est.

 

Ainsi l’affect libéré de la représentationserait le phénomène brut de la pulsion, ce qui reste quand la représentation est refoulée. Ce point nous conduit à la question de l’affect libéré de la représentation par le refoulement.

 

Pour J. Lacan, c’est bien, comme pour S. Freud, la représentation qui est refoulée et non l’affect. Ainsi précise t il que l’affect est «  désarrimé,il s’en va à la dérive. On le retrouve déplacé, fou, inversé, métabolisé mais pas refoulé. Ce qui est refoulé, ce sont les signifiants qui l’amarrent », c’est à dire les représentations.

 

La question de distinguer l’affect et la représentation ne va pas de soi. Si, comme le précise J.-D. Nasio, « l’affect est toujours en relation avec ce qui l’exprime, soit pour s’exprimer, soit pour naître », si, par conséquent, « il n’y a  pas d’affect pur » mais que « l’affect est réveillé par un signifiant », c’est à dire qu’il n’est jamais sans liaison psychique, exclusivement corporel, alors de quoi parle t-onlorsque l’on dit que la représentation peut en être déconnectée ?Nous y reviendrons.

 

3/ ÉMOTION

 

Pour Lacan, l’affect n’est pas une émotion. Il n’en dira pas plus sur la question laissant le lecteur juger par lui-même à l’aune de ce qu’il développera sur l’affect (et surtout, sur l’affect d’angoisse.)

 

Repartons du côté du Laroussequi donne la définition suivante de l’émotion :

 

« Trouble subit, agitation passagère causés par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie, etc. Réaction affective transitoire d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement. »

 

De l’ancien français « motion » ou mise en mouvement, l’émotion traduit un déplacementintérieur provoqué par un stimulus interne ou externe.

 

Mais quelledifférence entre affect et émotion ?L’émotion n’est-elle pas, comme l’affect, un processus de décharge, une énergie qui se libère?

 

La réaction affective de tristesse, de colère … est habituellement provoquée par le contextedu sujet, précise la définition.

Maisl’émotion ne peut-elle pas naître d’une représentationdéconnectée de son contexte? Une idée, une image, un souvenir … peuvent susciter une réaction interne et déclencher un processus de décharge.

Mais qu’elle différence faire entre la décharge d’affect que nous avons vue et l’émotion?

 

Une fois n’est pas coutume, allons voir du côté de Wikipedia quelques précisions : « L’émotion(de l’ancien français, au XIIIe siècle « motion », de la racine latineemovere « mettre en mouvement ») est une expérience psychophysiologiquecomplexe et intense (avec un début brutal et une durée relativement brève) de l’état d’esprit d’un individu liée à un objet repérablelorsqu’il réagit aux influences biochimiques(interne) et environnementales(externe). Chez les humains, l’émotion inclut fondamentalement « un comportement physiologique, des comportementsexpressifs et une conscience »

 

Les notions de brièveté, de soudaineté, d’objet repérableet de réaction à des stimuli internes ou externescomplètent la première définition d’un éclairage permettant d’avancer dans la distinction entre l’affect de l’émotion. Si le stimulus déclenchant l’affectn’est pas toujours repérable et qualifiable, il n’en est pas de même de l’émotion,dont on sait la nature, même si l’on enméconnaît l’objet de déclenchement. Une tristesse peut envahir le sujet sans qu’il sache d’où elle vient. Mais il saura  qu’il est triste.

 

Par ailleurs, l’émotionn’est pas toujoursune réactionen phase aux stimuli d’un environnement. Elle peut aussi être, par exemple pour la peur, disproportionnéepar rapport à ce que la situation réelle suggère. Et il peut même n’y avoir aucune situation de danger perceptibleau dehors. Parlera t’on toujours de peur ?

 

Nous établirons que l’émotion colore l’affect d’une teinte particulière. La quantité d’énergie, le quantum d’affect, trouve son objet: une idée triste, une situation dangereuse, un mot agressif, une image dégoûtante… et s’en saisit pour se libérer. Le déclenchementde l’énergie est opéré par un objet, en général identifié, et dont la nuance résonne pour le sujet selon des signesuniversellement reconnues: la colère, la tristesse, la peur …

 

L’objet interne ou externe provoque une décharge dont la nature est identifiable par le caractère universel qu’elle revêt.

 

René Roussillon fait la distinction suivante : « les affects continuent d’accompagner les actions de plus en plus différenciées alors que les émotions primaires sont les restes d’actes finalisés relatives à un répertoire comportemental primaire. »

 

Les émotionsseraient  d’un registre primaire, communément reconnaissable, là où l’affectserait un éprouvé aux visages infinis, du plus flou au plus clair.

 

Résumons.Au départ, une poussée constanteprenant sa sourcedans le corps : la pulsion. Puis un processus de déchargede la pulsion : l’affect connecté à un objetidentifiable ou non, à une représentation. Enfin, un certain caractère universellement reconnaissableet donné à cette décharge : l’émotion.

La qualité de l’affect peut ne pas être identifiablealors que l’émotion est caractérisée.

 

Si l’on prend pour exemple notre thème d’aujourd’hui, la peur, cela nous conduit à observer les étapessuivantes : une énergie constante poussedans le corps : la pulsion. Elle trouve un objet suscitant la crainte et se déchargeune fois connectéeà cet objet. C’est bien une connexion de l’affect à un objet, interne ou externe, qui provoque la peur.

 

Toute personneen bonne santé peut dire, à l’instant même où elle surgit, le nom de l’émotion qui l’envahit. En revanche, elle  ne pourra pas forcément identifier ce qui l’a déclenchée.

L’émotion peut saisir quelqu’un  sans qu’il puisse identifier l’objet idéatif ou nonqui l’aura provoquée. Cependant, il y aura un déclencheur.Un objet préconscient ou conscient l’aura suscitée.

 

Ainsi, dans le processus de l’affect, y a-t-il un trajet qui, Freud l’indique, conduit de « l’excitation somatique vers sa coloration qualitative   ». La pulsion et son processus de décharge, l’affect, sont des « concepts limite entre le somatique et le psychique ». »

 

Mais alors,si certaines représentations permettent le déclenchement d’une quantité d’affectet lui donne le nom d’émotion, y aurait-il des décharges affectives d’une autre nature qu’émotionnelle ?La représentationest-elle nécessaire à la libération, à la décharge de l’énergie pulsionnelle ?

Nous égrainerons des éléments de réponse à ces questions au fil de ce texte.

 

4/ AFFECT ET REPRÉSENTATION

 

Après avoir tenté de différencier l’émotion de l’affect, voyonsce qu’il en est d’un affect libéré, dénoué de sa représentation.

 

Ainsi que le souligne J. Laplanche dans son volet 1 des Problématiques consacré à l’angoisse, la « machinerie métapsychologique freudienne … tient dans la distinction … de l’affect et de la représentation. »

Leurdestinest indépendantet Freud en a souligné l’importance cruciale dans la névroseoù intervient le refoulement.

 

Ainsi avance t’il que  «  l’on le droit de distinguer affect et représentation parce qu’on observe que ces deux éléments peuvent être indépendants l’un de l’autre ; qu’ils sont susceptibles de se déplacer l’un par rapport à l’autre ; qu’un affect peut se reproduire sans représentation et que la psychanalyse peut permettre de retrouver la représentation absente »

 

Ainsi en est-il du quantum d’affect désarriméde sa représentation d’origine  et réduit à une décharge. Car la représentationest une limite, une frontière qui permet à l’affect de plus ou moins se fixer et de ne pas déborder.

 

CommeFreud, Lacanprécise que ce n’est pas l’affect qui est refoulémais bien la représentation. L’affectpeut être réprimémais il conservera une propriété  consciente. C’est bien pour cela que Freud situe l’affect du côté de la conscience à la différence de la représentation refoulée.

 

Lerefoulement réduit l’affect à une énergie brute.

Si ce qui spécifiequalitativement l’affectest la représentation. Une fois déconnectée, celle-ci libère l’affectqui peut soit s’arrimer à une autre connexion/représentation,soit  rester libre. Ce dernier cas est celui où l’affect est réduit à sa moindre qualité. C’est le cas de l’angoisse.

 

Comme le précise P.-L. Assoun, cette énergie pure est une sorte de monnaie circulante, tantôt libido, tantôt angoisse.

 

En effet, dans l’impossibilité de trouver une issue, la libido devient angoisse.

 

 

 

 

II/ L’ANGOISSE

 

«…cet affect d’angoisse n’est que la transformation d’un désir, la transformation de la libido » S. Freud

 

Quand la représentationauquel était fixé l’affect est refoulée, l’affectest libéré et flottant. C’est dans cet intervallede moindre qualification(et pas de non qualification), que surgit l’angoisse.

 

Rapprochons-nouspas à pas de notre thème de la peur  en abordantdès à présent la question de l’angoisse.

 

PourFreud, l’angoisseest la conséquence  d’une déliaison, celle de l’affect et de la représentation. C’est un affect proched’une décharge pure, un affect très peu élaboré, c’est à dire très peu symbolisé. Pour qu’il y ait angoisse, il faut qu’un quantum d’affectsoit libéréde la représentation d’origine, continue de flotteret se décharge.

 

Cependant, il n’est pas tout à fait hors d’élaboration, à la différence du symptôme somatiquepar exemple. L’affect d’angoisse serait un commencement d’élaboration. Son élaboration n’impliquerait pas la connexion à des représentations mais « une liaison signifiante à des réactions somatiques. » J. Laplanche.  À la différence du symptôme somatique qui ne fait montre d’aucune liaison signifiante, l’angoisse serait la marque de l’attente.

L’angoisse   « est attentede quelque chose dont on a aucune idée de quelle forme cela peut avoir ou prendre ou de quel visage cela pourra revêtir. Le sujet en expectative angoissée est donc mobilisé vers quelque chose dont on peut seulement pressentir que c’est dangereux. … l’angoisse se nourrit d’une attente de quelque chose dont on ne sait rien, sinon à peu près cela que, si ça venait, ça serait terrible. » P.-L. Assoun.

 

C’est une préparation au danger. Pour Jean-David Nasio, l’angoisse est « un affect qui vient nous mettre en état d’alerte, avec le doute sur le danger qui peut surgir, ça prépare le sujet, ça lui permet de se défendre. »

 

Sans savoir de quoi, l’attente angoissée scelle un début d’élaboration: celui du danger possible, voire attendu de pied ferme, quand bien même son objet est indiscernable.

 

Mais ce qui caractérise l’affect d’angoisse est bien une perception que le dangerne vient pas seulement de l’extérieur, mais de l’intérieur.

 

Et S. Freud de préciser que la psyché « tombe dans la névrose d’angoisse quand elle se remarque incapable de compenser l’excitation endogène (sexuelle) naissante »

 

 

 

 

 

 

 

III/ LES SOURCES DE L’ANGOISSE

 

Laliaisonest un frein à l’énergie psychique. En effet, la représentation- substitutive à celle refoulée –  canalise le quantum d’affecten un lieu psychique identifié. Par exemple, la représentation d’un danger- de sortir dans la rue la nuit ou de descendre à la cave – focalise l’énergie psychique  sur ces actes plutôt que de la laisser libre et flottante.

 

Unautre exempleest le symptôme somatique  de l’hystérie de conversionqui fixe le quantum d’affect, initialement flottant, dans certaines parties du corps et produit une douleur dont la source est une forte excitation. La parcelle de corps concernée devient  le point catalyseur du quantum  d’affect qui trouve un lieu de décharge. Le lieu de décharge, un endroit du corps, entretient un lien étroit avec le conflit psychique en question.

 

L’exemple du cas Dora de S. Freud, ainsi résumé par J.-D. Nasio, éclaire la question : « Dora souffre d’une douleur dans la cuisse, Freud l’interroge, et il retrouve dans la ligne associative des souvenirs de sa patiente que, quand son père était malade, elle avait posé la tête de son père sur sa cuisse ; et, par pudeur, elle était gênée de voir cette tête si près de son sexe. Et Freud de dire : mais cette douleur de la cuisse n’est rien d’autre que l’expression, dans le corps, de vos conflits incestueux, de vos désirs incestueux pour votre père. »

 

L’affect, dont la source est ici l’excitation sexuelle et incestuelle, est ici déconnecté de sa représentationd’origine et vient se loger dans la jambede la patiente, provoquant une nouvelle excitation, non sans rapport signifiant avec le conflit, mais non décryptable d’un premier abord.

 

L’on observe à travers de ce cas que le symptôme fixele quantum d’affect libérélors du refoulementde la représentation sexuelle.

L’on voit ici poindrece qui est source d’angoisseselon Freud. Cependant, il ajustera son approcheau gré de ses recherches qui marqueront deux temps essentiels.

 

L’on ne parlera d’une première et d’une seconde théorie, cette dernière ne chassant pas la première, mais y apportant une avancée importante pour la suite des travaux freudiens.

 

1/ PREMIÈRE THÉORIE

 

Lepremier constatqu’il fait est économique. L’énergie déliée de sa représentationest une énergie sexuelle, dite libido, et inemployée ou insatisfaite.

 

L’énergie sexuelle, source d’angoisse, est celle qui ne trouve pas le moyen, l’objet, pour se décharger. Le moi est confronté à une charge pulsionnelle qui le déborde. Là, un point crucial et qui marque une différenceavec notre question, la peur, du moins dans une première approche : de la montée pulsionnelle, du quantum d’affect libéré, de l’énergie sexuelle débordante, le sujet ne peut fuir.

 

L’étiologiede l’angoisse est ici sexuelle. Les sujets visés par ce premier constat freudien sont empêchés  de vivre une sexualité satisfaisante, car exsangue ou interrompue. Sont concernés les sujets continents, ou qui ont des rapports sexuel incomplets, interrompus … Et Freud de désigner tout particulièrement les vierges, les veuves, les femmes peu gâtées (telle est sa formule) par leur mari, les frustrés, les sénescents, les ados …

 

Concernant les ados, la montée pulsionnelle, nouvelle et intense, est telle, et les moyens de la traiter psychiquement si peu constitués, que l’éprouvé d’angoisse est parfois violent et très envahissant.

 

Lecorps déborde d’énergie sexuelleque la psyché n’est pasen mesure de canaliser. Ce débordement peut mettre en péril,par l’éprouvé  qu’il suscite, le sentiment de continuité d’exister. L’ado est pris en tenaille entre le corps qui pousse vers la demande de satisfaction et la psyché qui ne trouve pas d’élaboration satisfaisante.

Il y aurait donc une « accumulation de tension physique » non canalisée.

 

Concernant les enfants, Freud précise que «  le commerce sexuel des adultesfrappe les enfants et leur donne de l’angoisse c’est un fait d’expérience quotidienne. J’explique cette angoisse par une excitation sexuelle qui n’est pas maîtriséepar leur capacité d’intellection et qui, de plus, est repoussée parce que les parents s’y trouvent mêlés. Elle est donc transformée en angoisse. »

 

L’angoisse survient lorsque la psyché « se remarque incapable de compenser l’excitation endogène (sexuelle) naissante. » Il y a donc un vécu d’insatisfactionà la source de l’angoisse car la pulsion, ici sexuelle, ne trouve pas son objet pour se satisfaire. Le but premier de la pulsion, se satisfaire, ne trouve pas d’issue.

L’énergie sexuellese met en mouvement, s’agite, provoquant une tension, mélange de plaisir et de déplaisir, qui ne trouve pas le moyen de son apaisement.

 

Il y a inhibition de la fonction sexuelle  qui déborde le sujet désarmépar le manque de ressource psychique pour l’affronter.

Freud parle de « fuite du moi devant la libido ».

 

Une des issuepossible est l’inhibition.

 

L’inhibitionest une limitationdes fonctions du moi qui protège du débordement d’excitation, c’est à dire de l’angoisse. Un autre destin de la libido insatisfaite est  le symptôme, « substitut d’une satisfaction pulsionnelle qui n’a pas eu lieu ».

L’on voit ici que l’angoisseest un des trois destinsde la libido empêchée (Inhibition, symptôme et angoisse).

 

En somme, l’angoisse surgirait face à l’inconciliable- avec le moi – du désir. J. Laplanche fait un parallèleentre la vision de la libertédont parle  les existentialisteset le point de vue freudien  : dans le premier cas, l’angoisseest angoisse de ma  liberté; dans le second, elle est angoissede mon désir.

 

PourFreud, l’angoissedonne le signal d’un débordement. Le signal viendrait de cette montée libidinale non représentée. En ce sens, le signal viendrait du ça et non du moi. Il s’agirait d’un signal automatique, non provoqué par l’instance contrôlante du moi. C’est en quelque sorte de manière passiveque le moi recevrait ce signal et en subirait les conséquences.

 

Tel est là le  point principal de divergence  avec la seconde théorie pour laquelle le moivient au centre du jeu,et par conséquent, donne une portéeactive, stratégique, préparatoire et utile  à la question de l’angoisse.

 

2/ DEUXIÈME THÉORIE

 

À la fonction passive de l’angoisse, S. Freud va apporter une correction,en mettant au cœur du dispositif  le moi, instance préparatoirecontreun péril plus fort encore que l’angoisse, le développement d’angoisse, qui peut conduire à l’effroi. Il en résulte une approche de la question plus positive. Là où le sujet semblait être l’objet de son angoisse, celle-ci permettrait d’éviter le pire.

 

a/Fonction préparatoire et de signal:

 

Dans la seconde théorie, Freud dégage une fonction utilede l’angoisse là où elle n’était qu’encombrante et débordement.

 

Tout d’abord, le moment d’angoisseest un moment d’attente, et d’attente d’un danger. Et le danger dont il est question est celui d’un développement d’angoisse. Si le déclenchement de l’angoisse est salutaire, son développement est nuisible.

 

L’accent est donné sur le moi et sa fonction de signal. Le moi est l’agent cause de l’angoisse comme signal.

Ce n’est donc plus le ça qui déborde le moi mais le moi qui déclencheune alerte.

 

Et Freud de dire :

 

« La différence git dans le fait que je croyais jadis que l’angoisse naissait dans tous les cas par un processus économique automatiquement, tandis que la conception actuelle de l’angoisse comme signal intentionné par le moi avec comme but l’influence de l’instance plaisir – déplaisir nous rend indépendant de cette contrainte économique. »

 

L’idée d’indépendance prise sur la pulsion et de signal déclenché par le moi signe un mouvement initialement passif devenu actif et contrôlant.

 

Le moi prend le pouvoir sur l’excitation en empêchant son développement par un signal.

 

Au départ, une excitation connectée à une représentation substitutive (à la représentation refoulée), le moi s’en saisit et déclenche le développement d’une angoisse minimale qui constitue un  signal. Ce dernier déclenche l’inhibition du moi et par conséquent empêche le développement de l’angoisse, c’est-à-dire l’effroi, matrice du trauma.

 

Excitation / mouvement du ça > déclenchement d’une l’alerte par le moi  > signal d’angoisse  > inhibition du moi > machine arrière  du développement d’angoisse

 

Le çan’est pas en mesure dedéclencher un processus, dira Freud. Seul le moi peut le faire – ce qui n’enlève pas la nécessité d’un mouvement initial du ça -.

 

Ledéclenchement de l’angoisse par le moi, expliqué dans la seconde théorie, s’apparente  au mécanisme de déclenchement d’une peur. Il convient cependantd’observer que l’objet craintn’est pas définissable. C’estplutôt l’idée d’un objet dangereux, d’un danger à venirqui est craintequ’un objet en particulier .

 

b/ Le traumatisme de défense

 

OttoRank, contemporain de Freud,  pendant un temps l’un de ses proches, établira l’acte de naissance comme le paradigme du trauma. La vie psychiqueselon lui est organisée à partir de ce trauma.

Ainsi les peurs infantilestelles que celles du noir, de la solitude, des animaux … seraient des séquelles du premier trauma.

 

En effet, la naissanceest une effraction. Elle provoque, comme l’énonce Freud, un trouble circulatoire, une auto-intoxication primaireentraînant une montée d’excitation, des battements cardiaquesagissant contre l’empoisonnement du sang, un collapsus- diminution rapide des forces, sans syncope – fonctionnel.

 

L’on retrouve ici la symptomatologiedes crises d’angoisseavec en particulier une montée d’excitationforte et l’accélération du cœur.

 

PourFreud« L’acte de naissance est … le premier vécu d’angoisse et en plus de cela source et modèle de l’affect d’angoisse. » Il ajoute que « l’enfant ressent pour la première fois de l’angoisse lors de la naissance. »

 

C’est un danger extérieur- celui de l’air qui rentredans les poumons et qui bouleverse l’homéostasie – qui signera la première effraction, point de déclenchement du premier trauma. L’on retrouve ici l’axe de la deuxième théorie : celle d’une réaction face à un danger. Lors de la naissance, le danger est effectif, puis au fil de la vie, il est comme anticipé par le déclenchement, a minima, d’un peu d’angoisse, afin de ne pas revivre les désordres de l’effraction originelle.

L’angoisseapparaît ici comme la répétition anticipatrice, préparatrice, à un danger auquel tout sujet a été exposé.

 

c/ Ressource

 

Ce qui distingueégalement  la première théoriede la secondeest la considération de l’intérieur et de l’extérieur. Dans la premièrethéorie, le danger est interne, c’est la libidoqui risque de faire flamber le sujet, danger contre lequel le moi doit se prémunir, soit en fabriquant des symptômes, soit en s’inhibant.

Dans la secondethéorie, le danger est externe.

 

Ce n’est pas la pulsionqui, comme antérieurement, est dangereuse,mais les instances qui la condamnent.

 

Pour Freud, la pulsion n’est plus une menace, elle est même une ressource positive ; le danger vient de ce qui la réprime.

 

Ainsi que le précise J.-D. Nasio, l’angoisse « permet [au sujet] de se défendre.» Et d’ajouter que « l’angoisse précède le trauma, et souvent l’évite. » Elle a pour fonction de « prévoir et amortir l’agression »

 

Dans la seconde théorie, il y a un signal donné par le moi, un signal d’angoisse pour prévenir un danger, mais ce danger est bien interne, il est celui d’une montée pulsionnelle débordante et que l’on ne peut fuir. Ainsi la première et la deuxième théorie ne sont-elles pas incompatibles. L’on y retrouve une tension interne qui ne trouve pas de moyen de se décharger.

La différence est dans l’appropriation : d’un côté le sujet est passif face à la pulsion, de l’autre il en prévient le débordement en lançant un signal d’alerte. En se répétant par le signal d’alerte lancée par le moi, l’angoisse est une tentative de prévention du retour possible d’un danger. Et de quel danger ?

 

5/ EFFROI ET TRAUMATISME

 

L’angoisse  est le moyen pour le sujet de ne pas être débordépar un développement d’angoisse. Elle est, dans sa quantité minimale, son propre remède. Ainsi, a t elle une fonction, celle d’anticiper et de stopper son propre développement, c’est à dire d’éviter l’effroi.

 

Pour Freud, le terme d’effroi « désigne l’état qui survient quand on tombe dans une situation dangereuse sans y être préparé. » Il ajoute, qu’elle «  est le triomphe de l’économie, de la force, du facteur quantitatif. » Puis « Il y a dans l’angoisse quelque chose qui prépare contre l’effroi. »

 

  1. Laplanche de préciser : « … s’il y avait eu angoisse, il y aurait eu mobilisation d’énergie à la frontière, de sorte qu’au moment où apparaît l’attaque, une espèce de contre-investissement se produit, permettant de limiter la brèche. Au contraire, s’il n’y a pas eu de mobilisation préalable, pas d’angoisse, pas de préparation, c’est alors l’effroi…»

 

L’impréparation, combinée au facteur quantitatifde très forte magnitude, est donc le terrain propice à l’effroi.

 

  1. Laplanche ajoute que l’effroi est une sorte de déroute subjective et « signe la victoire de ce facteur économique parce que rien n’a préparé le sujet à ce débordement, rien n’a pu être symbolisé par lui, ou pré-symbolisé, prévenu, ne serait-ce que par un signal. »

 

Lesignal d’angoissedonné par le moi est un fait psychique où s’amorcel’élaboration d’une représentation, au moins celle d’un danger, sans forme.

 

Laplanche de dire : « … aussi peu symbolique que soit l’angoisse comme signal, du moins marque t elle quelque chose, une limite. Mais quand il n’y a même pas d’angoisse, alors c’est le règne de l’économie pure. »

 

Cerègne de l’économique pureest celui de l’effroi. Et l’effroi est le terrain préparatoire du trauma. En cela, comme le dit J. Laplanche à nouveau, « trauma et effroi sont étroitement solidaires. »

Le trauma prend sa source dans l’irreprésentable, l’impensable, l’impréparé.

 

Voici la définition qu’en donne J-D Nasio : le trauma est « un impact démesuré pour un corps ou un élément ou un être qui n’arrive pas à l’assimiler … c’est une excitation trop intense pour que je l’intègre. »

 

Pour Freud, « l’angoisse est d’une part attente de trauma, d’autre part une répétition atténuée de celui-ci » ; « il  y a dans l’angoisse qq chose qui protège contre l’effroi. »

 

L’attente est le résultat d’un signal donné. Et la fonction de répétition du trauma par le signal donné est double : prévenir le risque d’un nouveau traumaet tenter d’assimiler la scène traumatiqueantérieure.

 

J.-D. Nasio précise en ce sens que «  le sujet retourne à la scène traumatique pour faire ce qu’il n’a pas pu faire au moment du drame. » C’est une manière de « compléter quelque chose d’inachevé. »

 

Quel est le terrain propice à l’effroi(vécu de la scène dramatique) et à sa conséquence, le trauma ?

 

Premierélément : la rencontre avec le réel de la mort.  Qu’est-ce que la rencontre avec le réel de la mort ? C’est s’être éprouvé ou avoir éprouvé l’autre comme mort.

 

Deuxièmeélément : les cinq senssont en général touchés. L’événement fait effraction de tous bords.

 

Troisièmeélément : la symbolisation n’a pas pu opérer. L’impact de l’événement laisse un blanc, la cognition est figée, un peu comme l’audition après un impact sonore très fort et qui plonge dans une atmosphère sourde et recluse, hors du monde.

 

Quatrièmeélément : aucune actionn’a pu être engagée.

 

L’angoisse estutileà la préventiond’un traumatisme futur. Aussi est-elle un point de passage crucialpour la guérison  de certains patients, par exemple ceux sous l’emprise d’une inhibition massiveet qui les empêche d’être en contact avec le monde extérieur.

 

Pensons aux autistespour lesquels le déclenchement de l’angoisse, dès lors qu’elle ne sera pas trop forte, les amènera à se connecter à leur environnement, et se défaire  de leur inhibition, de leur réclusion auto-érotique et invalidante.

 

Si l’angoisse, dans la deuxième théorie freudienne, n’est plus un afflux incontrôlé et massif de tension sexuelle mais un signal prévenant un développement d’angoisse, anticipant le surgissement de l’effroi et du trauma, elle prend une valeur positive et de contrôle par le moi du débordement. Avec le signal d’angoisse, le pare excitation tient bon  et prévient l’envahissement.

 

Et qu’en est-il de la peur ? N’a t elle pas elle aussi cette fonction préventive ? Et de quelle peur parle t on ? D’une peur conservatrice ? Ou d’une peur qui aurait une autre fonction que de sauvegarder le sujet des dangers réels de la vie ? Toute peur n’aurait elle pas un fond névrotique ?

 

VI/ LA PEUR

 

Lapeur commesignal d’un danger réelest vitale. De même que la douleur physique,relayée par le système neurologique, a pour fonction de révéler une atteinte corporelle, la peur face à un danger met le sujet en situation de réagir soit par la fuite, la défense ou l’attaque. Il y adonc une peur conservatriceessentielle à la survie. Elle est organisatrice de la préservationde l’individu lorsqu’elle est, peu ou prou, en concordance avec le danger réel.

 

Mais cette concordance existe-t-elle vraiment ?

Etqu’en est il de lapeur du noir, d’unascenseur ou d’unavion ?

 

Oui, un avion peut s’écraser, mais laprobabilitéest infime,et la peur de certains individus face à ce danger  est pourtant  vécue comme envahissante et irrépressible.  L’on voit bien ici que la concordanceentre le danger réel et la réponse émotionnelle est faible, voire nulle.

 

Quelle peur, y compris conservatrice, est en proportion avecle danger réel ?

« La peur pose le problème de l’objet (peur de quelque chose ou peur du danger) … la peur de quelque chose serait un moyen de parer à ce danger. Mais très vite la distinction souvent maintenue en France (l’angoisse est sans objet, la peur vise l’objet) s’avère insuffisante. Il n’est guère de peur qui ne soit contaminée, qui ne soit lourde de plus que ce qu’implique la situation réelle. » J. Laplanche

 

1/ DÉFINITIONS

 

Voyons lesdéfinitions académiques de la peur, en premier lieu, celle duLarousse :

«  –Sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d’un danger, réel ou supposé, d’un trauma

 – Appréhension, crainte devant un danger, qui pousse à fuir ou à éviter cette situation. »

 

La première définition n’est pas d’une grande aide pour notre travail car elle ne distinguela peur ni de l’angoisse, ni du trauma. Cependant, elle pointe la « présence ou la pensée d’un danger, réel ou supposé », c’est à dire d’unereprésentation, là où, concernant l’angoisse, iln’est question que d’un danger possible, sans forme précise, sans que l’on sache de quoi il retourne vraiment.

 

Cette assertion est dans la droite ligne de Freud pour qui la peur « suppose un objet défini dont on a peur. »

 

Le Trésor de la langue française donne de la peur la définition suivante : « État affectif plus ou moins durable, pouvant débuter par un choc émotif, fait d’appréhension (pouvant aller jusqu’à l’angoisse) et de trouble (pouvant se manifester physiquement par la pâleur, le tremblement, la paralysie, une activité désordonnée notamment), qui accompagne la prise de conscience ou la représentation d’une menace ou d’un danger réel ou imaginaire. »

 

Dans cette définition, la notion d’affectest présente et l’on pourrait la reprendre en parlant de quantum d’affect libérépar un « choc émotif », c’est à dire, comme dans la définition du Larousse, par une représentation, « présence ou pensée d’un danger réel ou supposé».

La définition du Trésor de la langue française parle de représentation ou de prise de conscience« d’une menace ou d’un danger réel ou imaginaire », c’est à dire, en tout état de cause, d’un objet identifié.

 

L’énoncén’écarte pas le débordementpossible (« trouble  pouvant se manifester physiquement par la pâleur, le tremblement, la paralysie, une activité désordonnée notamment »). En ce sens, il corroborela remarque de J. Lacanselon laquelle : «on insiste sur le fait que les effets de la peur auraient un caractère d’adéquation, à savoir déclencherait la fuite » mais« dans bien des cas la peur paralyse, se manifeste en action inhibante, voire pleinement désorganisante, ou jette le sujet dans le désarroi le moins adapté à la réponse. »

 

Il en résulte que la réponse adaptéeau danger, à savoir la défense, la fuite ou l’attaque, ne serait pas toujours de mise, et la peur n’aurait donc pas  l’effet conservateurque l’on attendrait d’elle généralement.

 

Dans les définitions ci-dessus, l’on retrouve la notion d’affect, de danger (d’objet) identifié, donc de représentation. Pour autant, est mise en doute la notion d’adéquationde la réaction au danger réel et plutôt proposé le débordement émotionnel possible que l’idée de contenance et de sauvegarde.

 

En quoi ce débordement lié à la peur  serait-il différentdu développement d’angoissequi conduit à l’effroi ? Et bien, avançons déjà le fait que, quelque soit le quantum d’affect libéré, le débordement lié à la peur reste arrimé à une représentationqui, même terrifiante, donne à entrevoir ou voir un objetplutôt que rien. La peur attribue un objet au danger, elle est une  élaboration psychique de l’effroiet par conséquent le met à distance.

 

Maisn’est-ce pas ce que nous avons constaté du signal d’angoisse ?Et cette mise à distance est-elle plus efficace que celle du minimum d’angoisse développé par le signal et prévenant le débordement ?

 

2/ INTERNE ET EXTERNE

 

Pour Lacan, la peur est présente quand  « la caractéristique de l’angoisse manque en ce sens que le sujet n’est ni étreint, ni concerné, ni intéressé au plus intime de lui-même. »

C’est « bel et bien du côté de l’inconnu que se dessine » l’angoisse, « quelque chose qui a le caractère de se référer à l’inconnu de ce qui se manifeste. »

 

L’angoisse, à la différence de la peur, ferait résonnerl’intime  du sujet.

 

Mais l’objet est toujours passé par le filtre de la représentation, celle-ci étant élaborée à partir des fantasmesdu sujet. L’objet de peur d’un patient se nourrit de son monde imaginairecomposé à partir des mythes, symboles, récits de son histoire, de sa famille, de son contexte.

Lapeur du serpentest pour partie conservatricemais pour autre névrotique. Nous voyons bien dans cette exemple que la composante névrotique de cette peur est saillante dans notre culture. Quand on pense au serpent, la pomme du pêcher originel n’est jamais bien loin.

 

 

3/ PEUR NÉVROTIQUE

 

S’il y a un objet plus ou moins bien définidans la peur, il est la plupart du temps corrélé avec les fantasmesdu sujet.

 

Ainsi donc, même lorsque l’émotion est en réaction à un danger réel, elle est sous la domination  de fantaisies.

 

Toute peur est colorée d’un fantasme, d’une représentation singulière, même la peur d’un danger réel et devant soi.

 

La peur est-elle utile ou inutile ? Elleserait utile dès lors qu’elle serait le déclencheur d’une réponse adaptée à un danger réel. Mais elleest une émotion – conséquence d’un affect – suscitée par une représentation fantasméed’un danger réel ou imaginaire et auquel il est parfois possible, parfois non, d’apporter une réponse.

 

Par conséquent, pouvons-nous encore soutenirque la peurest une appréhensionde quelque chose d’extérieuralors que l’angoisseest une appréhension de soi, de sa propre libido (face à une menace extérieure selon la deuxième théorie ) ?

 

  1. Freud parle d’angoisse réelle et écrit qu’elle « est une réaction à la perception d’un danger extérieur c’est à dire d’une lésion attendue, prévue, associée au réflexe de la fuite, et donc manifestation de l’instinct de conservation.»

 

N’est-ce pas la définition même de la peur ?

Pourtant, le terme « angoisse », dans angoisse réelle, renvoie bien à l’intériorité.

 

  1. Laplanche nous éclaire sur la question en partant du terme freudien angst (souvent traduit par angoisse) dont la signification est pourtantplus ambivalente : « … dans l’angst, à la fois peur et angoisse, on peut trouver la contamination de la peur par l’angoisse, d’une peur apparemment motivée ou, inversement, la fixation de l’angoisse sur un symptôme qui ressemble à de la peur, qui peut passer pour de la peur et donc faire croire à son caractère rationnel. Toute peur apparemment motivée aurait en réalité un fond d’angoisse, et toute angoisse se donnerait, à plus ou moins brève échéance, le masque de la peur. »

 

Lafrontièreentre peuret angoisseest ténue. Si le dangersemble identifié dansla peur, il apparaît souvent comme une construction fantoche, masquantun trouble plus profond, en somme, un conflit intérieur. Le sujet ne se débattrait pas tant avec l’extérieur qu’avec lui-mêmeet tenterait de se forger un ennemi à combattepour chasser ses démons.

 

L’on pourrait associer ce mécanismede défense  à ce que Freud dévoile de toute agressivité contre un objet externe: elle est un moyen de conjurer ses pulsions auto-agressives, de ne pas se détruire lui-même.

 

Il y aurait alors, dans le plus grand nombre de peur, quelque chose d’une poussée internequi chercheraitun objet extérieurauquel se fixer.

 

Exempled’une angoissedevenue peur: la phobie.

 

VI LA PHOBIE

 

Si l’angoisse est un signal prévenant le développement d’angoisse – l’effroi -, laphobieest un « compromis, un subterfuge », une esquiveoù vient se glisser un objetà la fois à propos et sorti de nulle part.

 

LeLarousseen donne la définition suivante : « Crainte angoissante et injustifiée d’une situation, d’un objet ou de l’accomplissement d’une action. »

 

Sicertaines  zoophobiesne sont pas infondées- après tout, un serpent peut être dangereux -, l’objet photogène peut êtreune rue, un papillon, une pomme…- et dévoiler l’injustifiablementionné dans la définition.

 

Quoiqu’il en soit, ce qui caractérise la phobieest une disproportionentre la peur éprouvéeet le réel du danger.

 

Si le sujet éprouve la peur devant un danger commun, la peur phobique résonnera comme une « crainte angoissante », c’est-à-dire, une peur venue d’une autre scène, comme d’outre tombe.

 

D’outre tombe ? La phobie réveillerait, par le moyen d’un objet devenu effrayant, quelque chose d’un autre temps, enfoui dans l’inconscientdu sujet.

 

Ainsi, le dangervient-il bien de l’intérieuret non du contexte. L’objet phobiquen’est pas celui que l’on croit. Derrière le papillon ou la pomme se cache autre chose et qui cherche un objet privilégié pour se fixer.

 

Laphobieest une point de liaisond’une angoisseà un objet privilégié.

 

Ici observe t-on l’acharnentde la névrose, de la phobie, autrement dit,  de l’hystérie d’angoisse, à trouver une rationalité. La peur rationaliselà où l’angoisse ne serait  que déficit de symbolisation.

 

De quel danger protègela phobie ?

La première théorie de l’angoisse nous en donne la réponse. C’est du danger pulsionnel interneque le sujet se défend. Ou plutôt, complétant la première théorie en l’amendant quelque peu,c’est de la libido, qui pourrait trouver un obstacle extérieur, que la phobie préserve. Rappelons que, pour S. Freud dans sa deuxième théorie, la pulsion n’est pas, en soi, dangereuse. Elle ne le devient que lorsqu’elle trouveune limitecontre laquelle elle risque de buter. La menace de la castration germe ici et pousse le sujet à trouver un autre destin à sa libido.

 

Laphobieest le moyen idoined’attribuerun objet à une angoissequi pourrait se développer et devenir terreur.

La peur de l’objet extérieur prévient  l’effroi possible.

Ce n’est plus de rien que l’on s’angoisse, que l’on est terrifié, que l’on plonge dans l’effroi, mais d’un objet identifié.

 

Ainsi,à un objet interne non identifié, la phobie substitueun objet externeou une situation.

 

Lapeurdevientune conduite d’évitementd’une autre peur- internecelle-là – à laquelle on ne peut échapper. Devoir fuir l’objet externeest le prix à payer d’une fuite impossible : celle de l’objet interne.

 

Au destin de la libido, ou plutôt, du quantum d’affect libre et invasif, la phobie substitut un objet qui porte un nomet dont les contourssont distinctes.

 

Et S. Freud de dire : « Par l’ensemble du mécanisme de défense mis en œuvre, on a obtenu une projection du danger pulsionnel vers l’extérieur. Le moi se comporte comme si le danger d’un développement d’angoisse ne venait pas d’une motion pulsionnelle, mais d’une perception par les tentatives de fuite que sont les évitements phobiques. »

 

Au départ, une motions pulsionnelle sans représentation, qui trouve un objet d’élection. L’illusionest parfaite, même sile sujet ressentqu’il y a quelque chose qui cloche, que l’objet de sa peur n’est pas aussi terrifiant qu’il le croit, qu’il y a derrière cette fabrication un tour de passe-passe, un autre objet, celui-là, trouble et insaisissable. Un doute est présent dans ce dispositif qui ne trompe pas tout à fait celui qui en est l’instigateur inconscient.

 

Ladisproportionet l’absurditéde la peur sont le signe d’une supercherieque le sujet monte de toute pièce pour se prémunir d’un dangerbien plus grand : celui d’une angoisse« déchaînée », celui de l’effroi. L’attaque interne est transformée en une menace externe dont l’objet redouté est susceptible de surgir à tous moments.

 

Alors se mettent en place des stratégies d’évitement, de contournement, qui visent à se protéger de l’objet, lui-même pare-feu d’une autre menace. Il s’agit maintenant de se défendre de la défenseconstituée, de l’objet externe érigé en lieu et place de l’interne.

Laphobieest réussielorsque l’objet phobiquedevient l’unique source d’évitementet canalise par conséquent la montée d’affect irrépressible. Peu importe l’objet. En cela, le sujet peut se montrer très créatif.

 

Si la phobiestabilise et circonscritl’angoisse, la lie à une représentation, celle d’un objetou d’une situationcrainte, elle est une combinaison d’angoisse et de peur, la seconde prenant pour source la première en la déguisant. L’on voit bien l’imbrication entre ces deux pôleset suivons S. Freud lorsqu’il dit : « Mais si toute peur, apparemment réelle, réaliste, renvoie à de l’angoisse, inversement il n’est guère d’angoisse qui ne cherche à se fixer, à se limiter er à se contrôler, en peur … »

 

Il peut arriver que la phobie se détourne deson moyen de défense: la projection, et prenne le sujetlui-même comme objet de danger. Ainsi en est-il de laphobie d’impulsiondont la caractéristique est la peur de commettre un acte terribleau lieu d’être la cible d’un danger extérieur. La menace vient de l’intérieur du sujet qui le sait et le dit.

 

Laphobie d’impulsionest une phobie qui a mal tournéepuisque d’une projection du dangerà l’extérieur de soi, elle a faitdu sujet l’origine traumatique  de sa terreur.

 

L’hystérie d’angoisse, la phobie, cette peur névrotique, a donc pour fonction, non pasde prévenirle sujet d’un danger externe, mais d’externaliser une menace intérieureen s’acharnant à constituer un objet,une situation de tous les dangers.

Le névrosé phobique s’évertue  à rationaliserce qui lui échappe, ce qui risque de le déborderen fabriquant un objet.

 

Mais si l’atout de la peur est d’avoir son objet, qu’en est-il de l’angoisse? Est-elle « une peur sans objet » ?

 

VII/ ANGOISSE AVEC OU SANS OBJET

 

La peur a un objet, comme nous l’avons vu dans cette fabrication inconsciente qu’est la phobie.

Mais qu’en est-il de l’angoisse ? Si le quantum d’affect libéré de sa représentation originelle la constitue, est-elle pour autant sans objet ?

 

 

Pour P. Janet: « L’angoisse est une peur sans objet. »

 

S.Freudse démarquera de Janet et dira sans détour que « l’angoisse n’est pas sans objet. »

 

Pour autant, l’objetapparaît bien indéterminé, contrairement à celui de la peur. Le paradoxeest à la fois l’absence manifeste d’objetet l’éprouvé contraire, à savoir une présence jusqu’à la suffocation.

 

L’angoisse se manifeste dans une indétermination panique, et ce sont là bien plutôt les contours d’une Chose sans nom plutôt que rien qui affolent.

 

Si S. Freuda situé la peur et l’angoissedans un mouvement interdépendant, la peur n’étant jamais exsangue d’angoisse et vice versa, Lacan, dans son séminaire éponyme, traitera de la question de l’objet à la fois présent dans la peur et dans l’angoisse.

 

Il précisera, s’il y a un objet de l’angoisse, « ce n’est pas dire que cet objet soit accessible par la même voie que tous les autres … ce n’est pas dire de quel objet il s’agit »

 

D’un pas de plus, Lacanprécise de l’angoisse que « non seulement elle n’est pas sans objet, mais elle désigne probablement l’objet … le plus profond, l’objet dernier, la Chose … » Le moment de l’angoisse est celui du « retour à l’objet premier… »

 

Premier, il s’agit bien de  l’objet cause du désir, que Lacan désigne par son objet a, sa seule invention, ajoutera t-il. L’atteindreseraitperdre l’objet du fantasme, celui qui soutient le désir. Un fantasme n’a pas pour finalité de se réaliser. Ou alors siégerait une menace : la perte du désir. Et si le fantasme est l’inverse même d’une réalisation, il est la matérialisation psychique du manque.

 

PourLacan, ce n’est pas le désirqui est sourced’angoisse, mais sa disparition.

 

Ainsi n’est ce pas d’un manque que le sujet s’angoisse, mais d’unmanque de manque. Car le manque est la matrice du désir.

 

« L’angoisse est située, non pas dans le simple manque mais dans l’excès de présence d’un objet »  P.-L. Assoun.

 

L’obscurité, dont les enfants ont peur, n’est pas absence de l’autre, de la mère, maisau contraire, le signal de son surgissementattendu comme une certitude. C’est « l’extrême sensation de l’Autre » qui scelle au ventre la peur de l’enfant.

PourLacan, il y a un « sur-objet » de l’angoisse, une sur-présence de l’Autre. Et la question de ce que veut cet Autre, de quel désir il est le nom, est comme un rappel assourdissant. Ainsi, l’angoisse est le moment, non du vide, non du manque, non de l’absence, mais d’une certitude : celle que « l’Autre est là ».

 

Plutôt que de son désir propre, l’angoisse assène l’obsédant éprouvé du désir d’un Autre sans nom, dont le sujet ne peut réchapper.

 

Lacan de dire : « L’angoisse gît dans le rapport fondamental du sujet à ce que j’ai appelé jusqu’ici le désir de l’Autre. »

 

C’est du désir de l’Autre omniprésent dont le sujet s’angoisse. C’est pourquoi la question de tout analysant est de savoir « quel est mon désir ».

 

Lacan ne situe donc pas l’angoisse dans la perte de l’objet, dans la séparation, mais au contraire, dans « l’épouvante d’une trop grande retrouvaille avec la Chose. »

 

« C’est toujours le ça ne manque pas », qui signe la fin du sujet désirant.

 

Lacan d’ajouter  « ce n’est pas la nostalgie du sein maternel qui engendre l’angoisse, mais son imminence »

 

En atteste le cauchemar, paradigme de l’angoisse, où le pare-excitation est fracturé  au profit d’un déchaînement d’affect. Pour Laplanche, « le corrélatif du cauchemar c’est … cet être qui pèse de tout son poids opaque de jouissance étrangère sur votre poitrine, qui vous écrase sous sa jouissance. »

 

En témoigne également le moment qui succède à l’orgasme, instant d’anxiétéqui semble interroger l’accès futur au désir ou son impossibilité.  Que vivre une fois la satisfaction accomplie, de quel désir l’avenir sera fait ?

 

Ainsi nombre de sujets nourrissent-ils leur  insatisfactionde peur de mourir d’angoisse. L’insatisfaction devient le premier objet de souffrance. Le sujet pressent au fond de lui que la pire chose ne serait pas d’échouer, mais de réaliser le fantasme qui nourrissait l’existence et sans lequel la chute dans l’effroi deviendrait possible.

 

Pour Lacan, l’objet de l’angoisseest celui du fantasme – originel -, c’est à dire le surgissement de la Chose, du désir de l’Autre, et l’engloutissement dans l’absolue jouissance.

 

Pour conclure

 

Alors, de l’angoisse ou de la peur, quelle modalité psychique prévient le plus efficacement de l’effroi, c’est à dire du terrain propice à la fabrication d’un traumatisme, un des paradigmes les plus emblématiques du blocage psychique ?

La peur ne risque t elle pas de fixer le sujet au point parfois de le faire tourner autour d’un seul objet, celui de sa terreur ? Et le déclenchement de l’angoisse n’est-il pas avant coureur d’un risque, celui d’ouvrir la boîte de Pandore et de voir s’amplifier, jusqu’à l’engloutir, ce qui n’était au départ qu’un signal protecteur du sujet ?

 

Pour Joel Bernat, l’angoisseest un niveau de défense plus élaboré que la peurcar elle anticipe le danger plutôt que d’y exposer.Un niveau d’angoisse minimale serait ainsi le meilleur atout face au danger potentiel pour ne pas sombrer dans la maladie, c’est à dire l’immobilité psychique.

 

Lacan évoque  comme source première de  l’angoisse « une trop grande retrouvaille ».

 

L’on parle bien de menace et non de danger réel. Et la menaceprépare au danger à venir qui semble inéluctable dans l’angoisse, tant il est présent dans son absence. Comme le Godotde S. Beckett, ou les Tartaresde D. Buzzati, l’absent, d’un bout à l’autre des deux œuvres, est plus présentque tous ceux qui l’attendent. L’angoisse fait vibrer Celui qui doit venir pour mieux prévenir  son surgissement.

 

Depuis les premiers travaux de S. Freud, le rétablissement des connexions perdues, refoulées, avec l’ensemble du psychisme, constitue la voie de la guérison.

 

Trop de fixationsur une peur, et plus généralement, sur un symptôme, est signe de crispation de la vie psychique. Éviter l’effroi, prévenir le traumatisme, c’est gagner en souplesse psychique, c’est favoriser à la fois les alertes possibles et la circulation  d’un symptôme à un autre, sans rigidité excessive, sans blocage pathogène.

Plutôt que de parler de symptôme, l’on pourrait dire traitssymptomatiques obsessionnels, phobiques ou hystériques. Car la vie psychique a besoin de naviguer de la capacité à s’organiser, à celle de se lier et d’aimer.

 

L’inhibitionn’est pas en soi pathogène, comme la peuret l’angoissesont des modes de défenseplutôt que des obstacles dès lors qu’ils restent quantitativement modérés et significativement fluctuants.

 

DansInhibition symptôme angoisse, Freud situe trois modalité de défense. Que redire de l’inhibition lorsque l’environnement est persécutant ? Que mettre en question du signal d’angoisse pour prévenir de l’effroi ? Et que bannir du symptôme qui canalise les pulsions au long court et organise le lien à l’autre et à la société ? Il n’est pas de défense qui soit inutile et nuisible en soi.

 

La peur et l’angoisse  ne sont des obstacles que dès lors qu’elles s’arc-boutent et deviennent le seul recours du sujet face au monde extérieur. Tout point de focalisation intense et durable est pathogène. C’est de ces boucles répétitives et morbides que le sujet tente de se départir dans le cabinet de l’analyste.

 

Audébutd’une analyse, le patient vient avec une questionqui est son symptôme,et réalise, au fil de son travail, la pluralité des défenses mobilisées, présentes et passées.

 

Cependant, l’analyse ne se cristallise par autour des systèmes de défense. Comme le suggère Freud, elle serait plutôt le processus d’une création, plus exactement, d’une co-création, engageant l’analysé, par delà ses résistances à la guérison, à ouvrir « un espace de dégagement », à conquérir une certaine liberté, à lâcher certains destins pulsionnels pour en gagner un – sorte de bénéfice secondaire sans être une finalité en soi – : la sublimation.

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